Alimentation
Le cerf élaphe est
herbivore. Au sein de la classe des herbivores, le cerf est dit
intermediate feeder c'est-à-dire qu'il est très sélectif dans son alimentation et s'adapte toujours à la végétation qu'il a à disposition.
Retenons qu'au sein des massifs résineux de montagne, le cerf préfère le Sapin (
Abies alba) à l'Epicéa (
Picea abies). Au sein des massifs feuillus de plaine, son comportement alimentaire varie avec la saison :
- de la sortie de l'hiver jusqu'à l'automne : il se nourrit de bois (il mange les bourgeons et les jeunes pousses des arbres et arbustes, sauf les épineux qu'il évite), de graminées, lierre, ronce et autres plantes herbacées dont il consomme parfois les fleurs. Toutefois, les forêts de plaine étant fréquemment entourées de cultures, il va souvent se nourrir de maïs ou de colza. En fin de saison, il consomme également des fruits (pommes, poires).
- en hiver : il se nourrit de bois, feuilles mortes et de ce qui reste à sa disposition. Son régime varie selon la présence de neige et selon la glandée ou fainée qui se produit sur la forêt.
Suivi et dynamique des populations
Suite à une chasse intensive, les populations de grands cervidés avaient fortement régressé en
Europe de l'Ouest et
du sud et en
Chine dès la fin du
Moyen Âge. À la fin du
XIXe, le cerf élaphe avait disparu de la plupart des massifs forestiers de l'Europe de l'Ouest.
Avec l'organisation de la chasse (réintroductions, élevages, nourrissage, plans de chasse…) de nombreuses populations se sont localement reconstituées à partir d'individus réintroduits, mais avec un appauvrissement génétique probablement important par rapport au
patrimoine génétique des populations
préhistoriques.
Le cerf est un des premiers animaux terrestres européens considérés non
menacés à avoir fait l'objet d'
études ADN (par exemple sur le massif de Saint-Hubert en Belgique
[1]), permettant d'assigner avec certitude des mues à une série ou à un trophée, d'apparier les parties d’animal qui auraient fait l'objet de trafic ou braconnage. On a aussi pu démontrer l'existence de trois sous-populations
wallonnes génétiquement isolées en raison des barrières autoroutières. Un poil ou un morceau de viande crue saisis dans un restaurant ou un véhicule suffisent à déterminer l’espèce, le sexe, et là où des études antérieures existent (en Wallonnie par exemple), la provenance de l'animal…
Dans de nombreux pays, les populations de cerfs qui se sont reconstituées sont de plus en plus isolées par la
fragmentation du paysage par les infrastructures (et parfois elles ont été maintenues dans des surfaces encloses), sur des territoires parfois restreints où elles survivent grâce à l'
agrainage et parfois en surexploitant les sous-bois.
Dix-huit cerfs parmi cinquante issus d’une population du Nord de l’Allemagne ont fait l'objet d'une analyse génétique
[2]. Cette population est supposée écologiquement isolée des autres populations par des infrastructures routières depuis 30 à 40 ans, et de nombreux cerfs dans ce groupe sont affectés d'une malformation génétique rendant leur mâchoire inférieure plus courte d’environ 5 cm par rapport à la supérieure. L'analyse génétique a confirmé la perte de diversité génétique du groupe, avec une perte d’
hétérozygotie d'environ 7 % à chaque génération. C'est sept fois plus que dans la population voisine d'où elle est originaire, et cela rend ce type de population d'autant plus vulnérables aux anomalies génétiques qu'en l'absence de grands
prédateurs, les animaux sont moins mobiles, plus sensibles aux
parasites et échappent aux processus de
sélection naturelle.
Problèmes liés à la surpopulation et/ou à la chasse
Si la chasse a un temps failli faire disparaître les cerfs d'Europe et Asie, les réintroductions, l'
agrainage, les apports en sel et les
« plans de tir » mis en place au
XXe siècle ont en Europe donné des résultats qui ont dépassé les espérances des acteurs qui ont lancé les dynamiques de gestion restauratoire de population de grands et petits cervidés.
Comme les sangliers et les chevreuils bénéficiant en outre d'hivers doux, les populations de cerf tendent à atteindre des records populationnels dans plusieurs pays de l'
Union européenne. Outre des dégâts sylvicoles on peut craindre des problèmes écoépidémiologiques avec diffusion de maladies favorisées par la promiscuité et l'absence de pression sélective par prédation naturelle, voire des impacts sur l'homme avec par exemple la diffusion de la
maladie de lyme et les pullulations de
tiques.
À titre d'exemple, en
Wallonnie, du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007, ce sont 4 732 cerfs qui ont été abattus ou trouvés morts (1 401 cerfs
« porteurs de bois », 3 328 cerfs
« non-boisés » dont1 571 biches et bichettes et 1 757 faons (842 mâles, et 770 femelles, 145 indéterminés selon les déclarations) et 3 non identifiés), ce malgré une augmentation du nombre de tir. Ces tableaux sont de nouveaux records et inquiètent les forestiers wallons alors que la répartition des tirs et mortalités entre biches, bichettes et faons semble correspondre aux objectifs (45 à 50 % de biches et bichettes pour 55 à 50 % de faons). Les statistiques montrent que depuis 1996, les chasseurs privilégient encore la survie des femelles (sauf pour 1999, les faons mâles (tués à la chasse, ou retrouvés morts) a toujours été plus élevé que celui des faons femelles. Les taux de non boisés tirés à l’approche et à l’affût (soit 20 % des cerfs non boisés tués) ont varié de 0 à 81 selon les conseils cynégétiques considérés (il y en a 23 en wallonnie, dont 17 pratiquant ce mode de chasse). Il reste difficile de juger à partir de quand on peut parler de "surpopulation", d'autant que le cerf est une source importante de revenu forestier via la location des droits de chasse et que les comptages sous-estiment toujours les effectifs
[3].
Certaines sources estiment que le cerf pourrait causer de graves dégâts aux forêts dans lesquelles il est en surpopulation. Dans le
Parc National des Cévennes, la forêt telle qu'elle existe en serait menacée. Environ 15 000 ha sont classés en zone interdite à la chasse, ce qui aurait entraîné un pullulement des cervidés
[4]. De tels dommages pourraient peut-être être évités en réintroduisant ou acceptant le loup dans le parc des Cévennes. Un problème identique avait été identifié dans le parc américain de Yellowstone : une surpopulation d'élans mangeant les pousses d'arbres entraînait une déforestation. La réintroduction du loup, prédateur de l'élan, a permis d'en contrôler la population et ainsi d'enrayer la menace sur la forêt. La réintroduction du loup a également permis de restaurer l'équilibre naturel de l'écosystème du parc
[5], perturbé depuis son extermination par l'homme dans les années 1950.