L’oiseau se tait
ANIMAUX | Un passant dénonce le propriétaire d’un serin solitaire. © laurent guiraud | Kiosque de Plainpalais. Depuis samedi, le canari de José (À GAUCHE) est peut-être heureux avec sa compagne (À DROITE) mais muet.
CATHERINE FOCAS | 09.07.2010 | 00:01
José gère un kiosque au cœur de Plainpalais, à la rue de l’Ecole-de-Médecine. Sa fierté: le chant de son canari. Avec les beaux jours, il sort la cage et tout le monde profite des vocalises de l’oiseau. Une petite phrase champêtre dans ce quartier urbain, branché et parfois bruyant à l’excès. Mais un voisin les a dénoncés, José et son serin, à l’Office vétérinaire cantonal. Résultat: depuis samedi, le
canari s’est tu.
Quelle maltraitance terrible a donc commise José aux yeux de cet ami des bêtes? La cage de l’oiseau est trop exiguë, mais surtout, le canari vit seul. Sans femelle. Un scandale.
Samedi dernier donc, vers 10 h 30, le vétérinaire officiel, Luc Magnenat, est passé par ledit kiosque. Il a enjoint José de donner une compagne à son volatile et de le placer dans une cage plus spacieuse. Abasourdi, fâché par cette première exigence, le gérant du kiosque s’est malgré tout exécuté. Du coup, son canari ne chante plus, car il est notoire que les oiseaux fredonnent par désir de séduction et que lorsque leur dame est omniprésente, ils n’ont plus rien à dire. Ils se taisent.
Interrogé à ce sujet, le vétérinaire confirme: «J’ai été informé de la situation par un passant et j’ai dit au propriétaire de l’oiseau que selon la nouvelle ordonnance sur la protection des animaux de 2008, la cage était clairement trop petite. Par ailleurs, le canari ne devait pas rester seul.»
Mais depuis qu’il est accompagné, lui explique-t-on, le serin ne chante plus. Fini la petite phrase musicale de la rue de l’Ecole-de-Médecine.
Eh bien justement, précise l’homme de science, «si le canari chante, ce n’est pas forcément une expression de bonheur. Il peut chanter parce qu’il défend son territoire. Mais plutôt, dans ce cas précis, parce qu’il est éloigné de sa femelle.» Une angoisse de séparation, un mal d’amour? Oui, en quelque sorte. Et sans faire d’anthropomorphisme.
Nous lui apportons des précisions sur la situation de l’oiseau. Parce que nous savons que José n’est pas un homme cruel qui prendrait plaisir à faire souffrir une bête. En fait, dans l’arrière-boutique trône une cage spacieuse dans laquelle Madame Canari attend son homme. Chaque nuit, ils dorment ensemble. Ils ne sont séparés que durant quelques heures par jour. Et pendant ces heures, monsieur devient poète.
Mais ces explications ne changent rien au diagnostic de Luc Magnenat; la loi, c’est la loi: «Le canari est séparé de sa femelle d’une manière qui le stresse, il n’y a pas d’entorse possible au règlement.»
Est-il souvent sollicité pour des broutilles pareilles? «Elles constituent 30 à 40% de mes interventions. Je dois y aller, je n’ai pas le choix.» Mais il assure que dans l’affaire qui nous occupe, il n’insistera pas. A moins que, qui sait, un passant bienveillant ne revienne à la charge.
source : TdG de ce jour